La personnalisation du traitement des patients en oncologie

Joseph CICCOLINI, Professeur des universités à la Faculté de Pharmacie d’Aix-Marseille Université et praticien hospitalier à l’APH mène depuis de nombreuses années des travaux dans un contexte pluridisciplinaire, en pharmacocinétique et pharmacologie clinique, en mobilisant des méthodes computationnelles avancées qui doivent être efficaces au quotidien, dans sa pratique hospitalière. Il parle de ses travaux, en particulier comment et à quoi il applique ces méthodes computationnelles.

Des modèles mathématiques pour personnaliser les soins dans le domaine de la cancérologie

Médecine de la précision d’oncologie, repose sur l’individualisation des schémas thérapeutiques chez le patient atteint de cancer.  C’est une stratégie qui a vu le jour très récemment. Le but étant de faire émerger une médecine de précision dans le domaine de l’oncologie. Cette médecine de précision dans le domaine de l’oncologie repose sur des outils développés pour se donner les moyens d’identifier les meilleurs traitements correspondants à chacune des tumeurs.

Les outils utilisés pour déterminer la meilleure dose

C’est très important car de la même façon que toutes les tumeurs sont différentes et induisent une personnalisation des schémas thérapeutiques (le choix et l’ordre des traitements, les mesures d’adaptation et la surveillance du cancer ; il définit les médicaments, leurs doses, leurs modalités de prise et leur toxicité éventuelle). De la même façon tous les patients sont différents et cela demanderait donc une individualisation des soins, des schémas posologiques (conditions d’administration, pour une personne, d’un ou de plusieurs médicaments) qui sont utilisés lorsqu’on va traiter les patients. Une même dose d’un médicament aboutir à des concentrations différentes en fonction des patients. Il faut contrôler la variabilité pharmacocinétique.  C’est ce dont on va parler plus en détail. Pour pouvoir personnaliser ses schémas posologiques, on a recours à des modèles mathématiques. Les deux modèles récurent dans le domaine de la médecine sont :

  • Les modèles mécanistiques
  • Les modèles descriptifs ou phénoménologiques

Contrôler la variabilité pharmacocinétique interindividuelle

L’objectif c’est de contrôler la variabilité pharmacocinétique interindividuelle (entre les individus).  Et pour ce faire certaines données sont nécessaires.  L’exposition en médicament (les concentrations circulantes au cours du temps pour un médicament) est le produit (le résultat) du ratio entre la dose administrée et la clairance d’élimination (Cela correspond au temps que le corps prend à éliminer une substance).  Dès lors que nous sommes en possession de la clairance d’un patient, il est possible de recalculer un schéma posologique, qui correspond uniquement à ce patient. Il faut donc identifier la clairance des patients, pour avoir la possibilité de modifier les doses à administrer et pouvoir contrôler le niveau d’exposition des patients à certains produits chimiques qui peuvent s’avérer toxiques lors d’une trop longue exposition.  On contrôle les niveaux d’exposition en médicament anti-cancéreux.

Le conditionnement des greffes de moelles chez un patient de leucémie myéloïde aiguë

Le but est d’essayer de préparer le patient à sa greffe de moelle et de maximiser les chances de succès de la greffe.  Pour se faire on va injecter à plusieurs reprises un produit hautement toxique au patient, ici le Busulfan. La somme des expositions au Busulfan doit correspondre à une exposition globale que le patient peut supporter sans que sa vie soit mise en danger. Pour obtenir ce nombre il est important d’identifier la clairance du Busulfan chez les patients. Pour être en mesure d’avoir la clairance Busulfan chez un patient, on peut par exemple faire appel à un modèle mécanistique. Dans ce cas il y a beaucoup de trop de paramètres à prendre en compte. Notamment plusieurs types de clairances. Pour aller beaucoup plus rapidement on va donc utiliser le modèle phénoménologique qui ne va utiliser que très peu de paramètres. Ce travail d’estimation de la clairance Busulfan chez le patient prend environ 20 minutes avec ce procédé. Cette présentation a pour objectif de montrer qu’on est effectivement en mesure d’utiliser des modèles mathématiques pour répondre à des problèmes qui sont complexes. Il est possible d’appliquer des biomathématiques ou des modèles complexes dans la pratique quotidienne. Et pour ce faire les outils utilisés sont très simples.

Deep learning for autonomous molecular discovery of synthesizable ligands

Jannis BORN, PhD student spécialisé en machine learning et deep learning appliqués à la biologie computationnelle à IBM Research et l’École Polytechnique Fédérale de Zurich ETH Zurich. Ses travaux de recherche sur le cancer drug modelling ont reçu le FXH Scientific Excellence Award décerné par la société Roche. Il parle de ses recherches, d l’interface de la biologie computationnelle à la découverte de médicaments. Le focus de la recherche c’est l’usage de l’intelligence artificielle et plus précisément des méthodes de deep learning pour la découverte moléculaire autonome. On ne travaille pas directement avec les patients. On est plutôt à la base du système. On essaie de trouver de nouveaux médicaments, donc de nouveaux traitements qui pourraient potentiellement être intéressant pour des recherches cliniques beaucoup plus poussées. Représenté sur un système pyramidal des essais cliniques avant qu’un médicament soit approuvé sur le marché, nous sommes à la racine, le premier jalon. Je vais vous faire un rapide état des lieux de notre recherche. La recherche n’est pas limitée à la découverte de nouveaux médicaments, elle porte aussi sur la découverte accélérée.

Pourquoi a-ton besoin de la recherche accélérée ?

On a besoin de la recherche accélérée, parce que de nos jours nous n’avons plus le temps. Nous devons réagir rapidement pour faire face à la crise sanitaire ou au changement climatique. Il est impératif de produire de nouveaux traitements plus rapidement et à bas coût. Il faut aussi développer de nouveaux matériaux pour les batteries pour enregistrer les taux de Co² dans l’air et beaucoup plus encore. Le but de notre recherche, notre objectif à long terme, c’est d’automatiser l’intégralité des processus de la découverte précoce.  Pour les médicaments, traditionnellement il y a des centaines de molécules qui doivent-être synthétisés et testés sur certaines propriétés, jusqu’à ce qu’on trouve une bonne molécule qui a les propriétés que nous souhaitons. Si on peut diminuer le facteur temps, cela peut faire gagner un temps précieux.

Qu’est-ce que la recherche accélérée ?

Quand on parle de recherche accélérée pour de nouveaux traitements ou certaines maladies, on essaie de créer un système de boucle fermée avec en général 4 composants :

  • Les données (qui proviennent d’une base de données publiques ou d’autres données spécifiques à une maladie)
  • Le screening in Silico (Il permet de modéliser de façon informatique les interactions entre des molécules chimiques), développer un modèle de machine learning capable de prédire les résultats d’un traitement, puis développer un modèle génératif (une sorte d’algorithme capable d’avoir de nouvelles idées (de nouveaux médicaments qu’il serait intéressant de tester), hypothèses)
  • Automatiser la planification des tests (l’idée c’est d’avoir des modèles de deep learning capable de prédire les réactions chimiques, pour pouvoir trouver la bonne réaction pour créer la molécule que nous voulons)
  • Le test automatisé (une plateforme robotique qui va tester une myriade de molécules sur certaines propriétés)

En général la recherche de médicaments est un domaine complexe. C’est pour cela que nous travaillons avec plusieurs types de données. Cela peut être des données :

  • De protéines
  • Moléculaires

Dans notre approche nous essayons créer une passerelle entre la biologie des systèmes et la chimio-informatique. Aussi il est important pour nous de créer des modèles qui sont faciles à expliquer et à interpréter.

L’oncologie de précision

Nous travaillons aussi sur l’oncologie de précision, qui est cette promesse d’avoir une thérapie ciblée.  Avec des médicaments spécifiques qui vont tuer les cellules malignes et préservent les autres cellules. Et cela est rendu possible en interférant des molécules clés impliquées dans la cancérologie. Dans ce domaine de l’oncologie de précision le machine learning est censé joué un rôle important dans plusieurs aspects, notamment la réutilisation de certains médicaments et la création de médicaments complexes à partir de médicaments simples.

A multimodal approach to anticancer drug sensitivity prediction

Ils construisaient un modèle, une intelligence artificielle capable de prédire l’efficacité d’un médicament contre le cancer sur l’échantillon d’un patient donné. Donc le modèle injecte la représentation de la composition moléculaire du médicament à l’échantillon du patient.  L’idée est ensuite de connaître l’efficacité du médicament sur l’échantillon d’un patient donné. Ce qui est prédit dans ce projet le IC50, c’est la concentration molaire dont on a besoin pour tuer 50% des cellules. Et cette concentration varie. Ce qu’il faut retenir c’est que plus le IC50 est bas, plus le médicament sera efficace.  Cette méthode marche merveilleusement bien. En outre ce qui est intéressant, c’est qu’on est capable d’automatiquement identifier où le modèle s’est focalisé. Pour savoir quelle partie du médicament a été utilisée pour sa prédiction et quel gène est le plus important.

Comment utiliser ce modèle ?

L’une des manières de le faire est dans la recherche de médicament. On veut maintenant créer des milliers de nouveaux médicaments. On veut les tester et voir s’ils fonctionnent ou pas. L’un des plus gros défis réside dans le fait que le monde de la chimie est assez vaste. Donc en général on peut avoir près de 10^60 molécules potentiellement viables. C’est assez énorme. Cela prend énormément de temps et c’est très onéreux. Ce phénomène s’appelle la “loi d’Eroom”.

Améliorer la précision des données dans la chaîne de développement des médicaments

Cindy SERDJEBI, Vous dirigez la recherche et le développement chez Biocellvia  Vous êtes Docteur en Pharmacie et titulaire d’un doctorat en pharmacologie moléculaire Biocellvia est le spécialiste de l’image histologique et vous exploitez des méthodes algorithmiques voisines de l’intelligence artificielle dans votre technologie, qui lui confèrent un degré de précision unique. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous mettez à profit votre technologie dans la chaîne du développement de médicaments ? Focus sur les approches support sur lesquelles l’intelligence artificielle se basent pour développer des médicaments. Comme l’a précédemment mentionné “Jannis Born”, le développement de médicaments coûte très cher.  Ce coût n’a cessé d’augmenter durant les 40 dernières années. D’après les estimations en 2020, le coût de développement d’un médicament s’élève à environ 965 millions de dollars.  Pourquoi ce montant est aussi élevé ?  Ce montant prend en compte le taux d’échec des médicaments. Il y a des candidats médicaux qui ont été développés, mais qui ne sont pas disponibles sur le marché.  Par ailleurs, on estime aussi que 80% des médicaments candidats ne vont jamais aller sur le marché. Pour la plupart de ces médicaments l’échec se situe le plus souvent durant la phase clinique (par manque d’efficacité), qui est incidemment la phase la plus onéreuse. A l’heure actuelle les moyens, méthodes grâce auxquelles on va pouvoir identifier l’efficacité d’un médicament ne sont pas aux points, pas bons. On a donc besoin de nouveaux moyens pour aider la recherche médicale.

Retour sur la définition de l’intelligence artificielle par le DR. Cindy SERDJEBI

Ce sont des technologies qui vont se baser sur l’une des quatre dimensions de l’intelligence humaine à savoir sentir, penser, agir et apprendre. Par ailleurs, le sujet de l’intelligence artificielle est assez récurrent, notamment dans le domaine de la santé. On en parle pour la recherche de nouvelles molécules, pour le diagnostic des patients et leur suivi.  Il y aussi aujourd’hui par exemple, de grands laboratoires de cosmétologies qui utilisent l’intelligence artificielle afin de diagnostiquer quel type d’acné vous avez.  Vous prenez un selfie et aurez un retour sur le type précis d’acné dont vous souffrez et éventuellement bénéficier de conseils personnalisés et d’un suivi.

Le problème de l’intelligence artificielle dans le domaine médicale

L’intelligence artificielle est un excellent atout, elle géniale, elle permet de faire énormément de chose.  Cependant, le problème avec ce type de technologie est que pour la mettre sur le marché à c’est très difficile d’un point de vue réglementaire. En effet, le produit qui est mis sur le marché à un moment précis, sera différent du produit qu’on va retrouver un an plus tard, puisque nous sommes sur des solutions qui sont capables d’évoluer et d’apprendre par elles-mêmes.  Et donc il est important de comprendre que l’intelligence artificielle n’est pas la réponse à tout et qu’il existe des solutions plus simples, qui marchent tout aussi bien.

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